![]() |
044 Henri Pourrat Le Trésor des contes |
LE CONTE DES DEUX MEUNIERS ET DU CHARBONNIER |
![]() |
Il y avait une fois un charbonnier qui allait en
Espagne. En chemin il rencontra deux meuniers et ils continuèrent leur route
ensemble. Ils mirent leurs provisions tous les trois en commun (1). Et comme le
charbonnier avait plus de provisions, il les portait souvent dans son sac. Mais le chemin est long jusqu’en Espagne. Et avant d’arriver dans ce pays, il n’y avait déjà presque plus de provisions dans le sac. Il ne restait plus qu’un peu de farine et de beurre. Les deux meuniers s’entendirent comme larrons en foire (2). Ils voyaient que leur compagnon était tout simple: qu’il n’était pas difficile de le tromper. — Il nous faut, dit l’un des meuniers, faire une galette. — Seulement, ajouta l’autre, elle ne sera pas grande. |
-------------- 1 Ils mirent leurs provisions tous les trois en commun. — Îíè ñëîæèëè âñå òðîå ñâîè ïðîäóêòû âìåñòå. 2 Les deux meuniers s’entendirent comme larrons en foire. — È îáà ìåëüíèêà ñãîâîðèëèñü, êàê âîðû íà ÿðìàðêå. |
— Si nous partageons en trois, répondit le camarade,
le morceau sera trop petit. Je pense qu’il faut donner cette galette à celui de
nous qui cette nuit fera le plus beau songe Au vrai (1) les meuniers avaient décidé de manger la galette à eux deux. Le charbonnier ne dit rien. La nuit tombait. Tous trois, ils se couchèrent sous un chêne. Le charbonnier alluma le feu. L’un des meuniers alla prendre de l’eau à un ruisseau. L’autre prépara la galette. Cela fait, ils se couchèrent sous l’arbre et s’endormirent. Les voilà à ronfler tous deux (2). Le charbonnier écoutait comme ils ronflaient. Un fumet de pain chaud lui vint aux narines. Il se leva et mangea la galette. Puis il se recoucha et s’endormit. Le matin les deux meuniers ouvrent les yeux. — Écoutez, camarades, dit le premier, je vous conte mon songe. Deux anges m’ont saisi, ils m’ont porté au ciel et j’ai vu d’en haut l’enfer. Le deuxième meunier raconte aussi son songe: — Ha, moi de même, deux anges m’ont saisi. Seulement, moi, j’étais au-dessus du paradis. Quels jardins tout en fleurs! Ils s’aperçurent alors que le charbonnier dormait toujours. Alors ils le touchèrent par l’épaule. — Ho, cria-t-il, pourquoi me tirer d’un si beau songe! — Camarade, rappelez-vous qu’au plus beau songeur la galette (3)! — Je ne sais si j’ai songé, dit-il, mais vous étiez transportés, l’un en enfer, l’autre au paradis. Et moi, je restais là, je pensais que je ne vous reverrais jamais. Alors je me suis levé et j’ai mangé la galette. |
-------------- 1 au vrai — â ñàìîì äåëå 2 Les voilà à ronfler tous deux. — È âîò îáà çàõðàïåëè. 3 au plus beau songeur la galette — òîìó, êòî óâèäèò ëó÷øèé ñîí, — ëåï¸øêà |
Henri Pourrat Le Trésor des contes |