![]() |
044 Henri Pourrat Le Trésor des contes |
LE CONTE DES CENT PISTOLES |
![]() |
Il y avait une fois un homme, brave homme de la campagne qui l’année passée
n’avait pas eu de chance (1). L’épidémie se mit sur son troupeau (2): en quinze jours il perdit tous ses bœufs et ses vaches. Que faire sans bêtes? Il vendit du bois, prit même de l’argent à son cousin. Enfin il ramassa deux cents pistoles. Et un dimanche il partit pour la grande foire de Brion qui dure trois jours. — Fais attention, lui dit sa femme. — Que veux-tu dire, femme? — Je veux dire qu’à la foire il y a beaucoup de voleurs, fais attention. Et il a fait attention. Il arrive à Brion et entre dans une auberge. Là, une bonne idée lui vient. Il prend l’aubergiste à part (3) et lui dit: |
-------------- 1 (il) n’avait pas eu de chance — åìó íå ïîâåçëî 2 l’épidémie se mit sur son troupeau — ýïèäåìèÿ íà÷àëàñü â åãî ñòàäå 3 il prend à part — îòâîäèò â ñòîðîíó |
— Je viens ici pour acheter des bêtes, mais j’ai
peur d’aller à la foire avec trop d’argent dans la poche. Je veux vous remettre
cent pistoles. Et il compte l’argent sur la table, le remet à l’aubergiste et va
vite à la foire. Il voit des vaches qu’un homme vend. Ces vaches sont bonnes, il les achète et donne au marchand les cent pistoles qu’il avait sur lui et il dit, qu’il ira chercher le reste à l’auberge. Un moment après, il revient tout pâle (1). Le marchand le regarde et dit: — Eh! qu’est-ce qu’il y a, mon homme? — Ah! j’ai remis ma bourse à l’aubergiste, je suis allé à l’auberge, j’ai demandé mon argent. L’aubergiste m’a dit qu’il n’avait pas mon argent. «Jamais, jamais, vous ne m’avez remis cent pistoles! Pas même un sou! Avez-vous un témoin?» et voilà!... Le marchand le regarde et dit: — Eh bien, je vous crois. Alors, qu’allez-vous faire? — Je vais rentrer. (2) La tête me tourne. Puisque je n’ai pas tout l’argent, je ne peux acheter vos vaches. S’il vous plaît, rendez mes cent pistoles. Je retourne à la maison. — Et si je vous parlais comme votre aubergiste? Que je vous demande vos témoins? Vous seriez un homme mort (3), n’est-ce pas? Mais tenez, voilà vos pistoles. Et maintenant il faut reprendre votre argent. — Comment? Expliquez-le-moi. — Voilà ces cent pistoles, vous les remettrez à l’aubergiste, comme les premières! Vous parlerez poliment et doucement à l’aubergiste... Ce sera en ma présence. (4) Je vous accompagne là-bas. Allons, marchons! En chemin il lui fait la leçon. (5) Ils entrent à l’auberge. — Écoutez, dit le brave homme à l’aubergiste, êtes-vous sûr que je ne vous ai pas donné cent pistoles? Parce que depuis l’hiver dernier je ne sais pas compter. Peut-être qu’on m’a volé ces pistoles à la foire? — Nous avons, dit le marchand, beaucoup de voleurs à la foire. |
-------------- 1 il revient tout pâle — áóêâ, îí âîçâðàùàåòñÿ î÷åíü áëåäíûì 2 Je vais rentrer. — ß âåðíóñü äîìîé. 3 vous seriez un homme mort — âû ïîãèáëè áû 4 Ce sera en ma présence. — Ýòî áóäåò â ìîåì ïðèñóòñòâèè. 6 En chemin il lui fait la leçon. — Äîðîãîé îí åãî ïîó÷àåò. |
— Alors, dit l’homme, ces cent pistoles que j’ai en
poche, je veux les laisser là. Comptez! Il remet l’argent à l’aubergiste. Puis il tourne la tête vers le marchand: — Vous voyez, je remets à l’aubergiste cent pistoles. Le marchand fait signe qu’il voit, puis sort de l’auberge. L’homme suit le marchand. — Maintenant, lui dit le marchand, retournez à l’auberge et quand vous verrez l’aubergiste tout seul, dites que vous avez acheté les vaches et demandez-lui de vous rendre vos cent pistoles. Le brave homme va à l’auberge et prie l’aubergiste de lui rendre l’argent. «Si je ne lui rends pas, pense l’aubergiste, il appellera son témoin...» Il remet donc les cent pistoles et l’homme très content revient chez le marchand de vaches. — Bon, dit le marchand. Maintenant, allons à l’auberge encore une fois tous deux. Devant moi, vous allez lui demander de vous rendre les cent pistoles que je vous ai vues lui remettre Aux paroles du brave homme, l’aubergiste rougit. Il réfléchit un peu puis rend les cent pistoles. — Alors, mon homme, dit le marchand dans la rue, j’ai gagné (2) un bon dîner, n’est-ce pas? — Eh! oui, dit l’homme heureux et de grand cœur, je vous le paie, mais nous allons le manger chez un autre aubergiste. |
-------------- 1 que je vous ai vues lui remettre — êîòîðûå âû åìó ïåðåäàëè ïðè ìíå 2 j'ai gagné — ÿ çàðàáîòàë |
Henri Pourrat Le Trésor des contes |