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Langues et cité, n° 2 : les pratiques langagières des jeunes

Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques

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Analyse des pratiques langagières des adolescents bilingues turc-français et adultes turcs en France
Les pratiques langagières des familles
immigrées évoluent au fur et à mesure
qu’elles s’installent dans le pays
d’accueil et que les enfants
grandissent. L’enfant introduit
la langue de l’école à la maison.
Les parents s’adaptent à cette nouvelle
situation qui soulève de nombreuses
questions concernant le maintien,
le changement, la perte, ainsi que
le statut même de la langue
maternelle.
Notre objectif était d’analyser
les pratiques langagières des enfants
et des adolescents bilingues turcfrançais
en France, notamment
à travers l’analyse et l’évaluation
de la qualité du turc et du français
aux niveaux lexical, morphologique,
syntaxique et pragmatique, et en
mesurant le degré de maintien
ou d’érosion de la langue maternelle.
Le projet est composé de trois études.
Et u d e 1 : cette étude concerne
davantage les pratiques scolaires.
Les sujets ont rempli individuellement
deux séries de questionnaires :
le questionnaire « choix et utilisation
de la langue » (QCUL) et le test de
« vitalité ethnolinguistique subjective »
(TVES).



E t u d e 2 , p r o d u c t i o n d e r é c i t s
g u i d é s : il s’agissait pour cette tâche
de faire raconter aux sujets dans les
deux langues le récit de la Frog story
(Mayer, 1969).
E t u d e 3 , r é c i t s p e r s o n n e l s :
il s’agissait de demander aux sujets
de raconter deux évènements
survenus dans leur vie dans chacune
des deux langues. En ce qui concerne
la vitalité ethnolinguistique du turc
en France, nous avons conclu
à un fort taux de maintien
et à une représentation positive de
la langue de la part de la communauté
turque en France, notamment des
adolescents. Cependant, les résultats
peuvent être tout autres dans
une autre situation migratoire. Yagmur
(1997) a montré dans son étude sur
les immigrés turcs d’Australie que le
taux de vitalité de la langue maternelle
(le turc) est plus faible par rapport à
la langue de l’environnement
(l’anglais), d’où une situation de perte
du turc par comparaison avec les


Turcs de France.
L’enseignement du turc à l’école
(notamment dans le cadre de
l’Enseignement des Langues
et Cultures d’Origine) est un facteur
très important dans le développement
et l’utilisation de la langue turque
chez les adolescents de la deuxième
génération. La comparaison des
résultats des enfants et des
adolescents bilingues avec ceux
des locuteurs monolingues turcs
et français montre qu’apprendre
et parler deux langues simultanément
peut être bénéfique à la fin :
les enfants bilingues ont un
démarrage lent, mais à l’arrivée
ils ne sont pas les derniers par rapport
aux monolingues.

Mehmet-Ali AKINCI, Dynamiques
Sociolangagières UMR 6065 CNRS Université de
Rouen
Harriet JISA, Dynamique du Langage UMR 5596
CNRS Université Lumière Lyon 2
 
Les pratiques langagières des jeunes