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Langues et cité, n° 2 : les pratiques langagières des jeunes

Bulletin de l’observatoire des pratiques linguistiques

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Les pratiques langagières des jeunes

Les comportements el les pratiques
des jeunes sont plus que jamais un sujet
de société auquel, des médias
aux politiques, on prête une attention
soutenue. Les pratiques langagières
des jeunes, souvent présentées de façon
caricaturale, sont perçues comme
une menace pour la langue nationale.
Or, les informations de nature
scientifique sur les usages réels
des jeunes locuteurs sont toujours
limitées et sortent difficilement
du cercle restreint des professionnels
des sciences du langage. Il ne faut
donc pas s'étonner de la banalité
et de l'indigence îles clichés véhiculés,
qui contribuent à la construction
de représentations limitatives, éloignées
de la réalité.
En consacrant ce deuxième numéro
à une présentation de travaux de
recherche de linguistes, Langues et Cité
souhaite aider à diffuser des analyses
originales issues d'une observation
proprement scientifique.

Outre l'entretien accordé par Françoise
Gadet. professeure à l'université Paris X,
qui précise, en spécialiste du français
parlé, l'image générale de la « langue des
jeunes », ce numéro présente de courtes
synthèses de travaux très récents réalisés
par diverses équipes universitaires en
partenariat avec l'Observatoire des
pratiques linguistiques de la délégation
générale à la langue française et aux
langues de France. Il ne s'agit pas
d'une description exhaustive
des pratiques langagières des jeunes,
mais de différents exemples d'une
observation scientifique
des pratiques réelles apportant
des éléments d'information, d'analyse
et de compréhension.

Un certain nombre d'idées reçues
tombent d'elles-mêmes. Ces pratiques,
souvent prises comme le signe
d'une absence de maîtrise de la langue
commune, sont d'abord
la manifestation d'un usage
complémentaire de répertoires
(intonationnels, phonologiques,
lexicaux...) éphémères qui, en
disparaissant avec l'âge, laisseront place
aux différentes variétés de la langue
commune des adultes, déjà perceptibles
dans les emplois les plus « formels » de
ces jeunes, dont les capacités cognitives
en matière de langage ne diffèrent en rien
du reste de la population. De fait, il n'y a
aucune pertinence à parler de « la langue
des jeunes » face à l'hétérogénéité
et à la fluidité de ces pratiques, mais aussi
face à l'impossibilité à définir
« les jeunes » comme une communauté
homogène. Les différentes enquêtes
révèlent également la grande vitalité
des pratiques langagières, qui prouve chez
ces jeunes une capacité de créativité
linguistique bien peu reconnue et encore
moins valorisée. Ces pratiques spécifiques
mais provisoires, par ailleurs fortement
liées à un jeu social, ne sont jamais
exclusives mais s'ajoutent toujours,
et de façon éphémère, à l'usage des autres
langues et d'abord de la langue commune.
Ce n'est pas la moindre des informations
que nous révèlent ces premières enquêtes,
même si l'étonnante pluralité des
pratiques ne simplifie pas la tâche
de l'observation, qui demande à être
poursuivie systématiquement.
 
Les pratiques langagières des jeunes