020 Livre Louis Bertrand Gaspard de la nuit |
Livre III — La Nuit et ses prestiges |
I LA CHAMBRE GOTHIQUE Nox et solitudo plenæ sunt diabolo. Les Pères de l’Église. La nuit, ma chambre est pleine de diables. « Oh ! la terre, — murmurai-je à la nuit, — est un calice embaumé dont le pistil et les étamines sont la lune et les étoiles ! » Et, les yeux lourds de sommeil, je fermai la fenêtre qu’incrusta la croix du calvaire, noire dans la jaune auréole des vitraux. * Encore, — si ce n’était à minuit, — l’heure blasonnée de dragons et de diables ! — que le gnome qui se soûle de l’huile de ma lampe ! Si ce n’était que la nourrice qui berce avec un chant monotone, dans la cuirasse de mon père, un petit enfant mort-né ! Si ce n’était que le squelette du lansquenet emprisonné dans la boiserie, et heurtant du front, du coude et du genou ! Si ce n’était que mon aïeul qui descend en pied de son cadre vermoulu, et trempe son gantelet dans l’eau bénite du bénitier ! Mais c’est Scarbo qui me mord au cou, et qui, pour cautériser ma blessure sanglante, y plonge son doigt de fer rougi à la fournaise ! |
Louis Bertrand Gaspard de la nuit |